Martin Solveig: « Madonna était super-douce avec William. Avec moi, elle était plutôt dure et rentre-dedans »
22 février 2012 Interviews

Martin Solveig: « Madonna était super-douce avec William. Avec moi, elle était plutôt dure et rentre-dedans »

Steven Bellery, journaliste chroniqueur culture dans Laissez-Vous Tenter sur RTL France et journaliste à PureCharts, a récemment interviewé Martin Solveig…

Vous êtes l’un des producteurs et compositeurs du prochain album de Madonna « MDNA » attendu le 26 mars dans les bacs. Comment cette collaboration a-t-elle commencé ?
MARTIN SOLVEIG : J’ai reçu un coup de fil de son manager, ici, à mon studio. Il m’a appelé avec beaucoup de simplicité. Tous les premiers contacts se sont faits dans la simplicité. Ça m’a plutôt surpris. Madonna n’est pas quelqu’un qui met des niveaux de hiérarchisations pas possible dans ses équipes. Elle a une toute petite équipe de quelques personnes qui sont toujours avec elle et avec qui on a une communication très simple. On s’est rencontré. On a parlé de musique, de cinéma aussi. On s’est rendu compte qu’on avait une lecture assez proche de la chanson, de la pop, de plein de choses. Ça s’est fait très très vite et dans un climat assez génial…

Je crois que tout a commencé grâce à votre titre « Hello » issu de votre dernier album « Smash » paru en juin dernier. Le titre a cartonné aux États-Unis…
MARTIN SOLVEIG : Madonna m’a connu grâce à ce titre oui… Elle a écouté mes albums et elle a préféré d’autres titres comme « Sunday » ou « Boys And Girls » qui a été une des influences de « Give Me All Your Luvin ». Elle m’a dit « Ah j’aimerais bien que tu me fasses un truc un peu comme ça. » Elle voulait quelque chose qu’elle appelle « surf », un peu Beach Boys électronique, elle aime bien cette idée.

Au début, Madonna vous avait embauché pour un seul titre, le premier single…
MARTIN SOLVEIG : Eh oui. Je sais qu’on a été quelques dizaines de producteurs à être consultés. Madonna voulait travailler avec deux ou trois personnes pour garder quand même une cohérence globale à l’album. Avec moi, le courant est passé et j’ai eu la chance de pouvoir démarrer très vite. Et, en studio, tout s’est hyper bien passé et du coup on a pu faire six titres, un peu moins de la moitié de l’album qui compte quinze morceaux.

Est-ce que ça été compliqué pour vous de dépasser le fait que vous collaboriez avec une icône de la pop-music ?
MARTIN SOLVEIG : Je me suis rendu compte avec le recul, que ce qui m’impressionnait le plus avec Madonna ce n’était pas l’icône des années 80 mais plus sa faculté à tenir dans le temps, à traverser trois décennies, et à être toujours aussi présente et à exister vraiment. Je dois dire que mes morceaux préférés de toute la discographie de Madonna sont ceux de Mirwais et de Stuart Price. Ce sont des morceaux des années 2000. Même si j’ai adoré « Ray Of Light » produit par William Orbit…

Vous vous êtes croisés d’ailleurs avec William Orbit ?
MARTIN SOLVEIG : Ça été une rencontre assez dingue. On a vraiment rigolé en studio. On a bossé ensemble pendant un moment. Lui dans son studio. Moi dans le mien mais dans le même bâtiment. Madonna passait d’une salle à l’autre. On a pas mal échangé. On est assez opposé William et moi. Dans tout… William est anglais, je suis français. Il est grand, je suis petit. Il est très bordélique, je suis plutôt organisé. Madonna prenait le contre-pied de son producteur. Elle était super-douce avec lui. Avec moi, elle était plutôt dure et rentre-dedans. C’est quelqu’un qui pousse les gens et je pense qu’elle leur permet de donner le meilleur.

Comment était-elle dans le travail ?
MARTIN SOLVEIG : Elle vous fait très vite oublier qu’elle est Madonna. Elle se comporte très naturellement. On était là pour faire un album donc on s’est vite mis au travail et on est entré dans le vif du sujet. Elle voulait faire danser les gens, et on avait envie de traduire ça en chansons catchy, en messages, de faire des choses simples et pleines d’énergie.

Elle vous a demandé quelque chose de précis ? Elle vous a donné une ligne directive ?
MARTIN SOLVEIG : Elle voulait du sourire ! Elle a voulu qu’on travaille cet aspect. Avec William, elle était plus introspective. Moi, elle me disait : « Il faut que lorsqu’on écoute tes chansons, ça donne le sourire. C’est ce que j’aime dans ton travail. En général, quand on écoute tes titres, c’est positif ». Elle trouve que c’est quelque chose qui manque un peu dans le paysage aujourd’hui et dont les gens ont besoin…

Elle trouvait que vous aviez « un son différent »… C’est vrai ?
MARTIN SOLVEIG : Oui… On a toujours une petite signature. L’idée c’était de la conserver. D’ailleurs elle est très présente dans le premier single. Beaucoup de gens m’ont appelé quand le single est sorti pour me dire « il n’y a pas de doute, c’est toi qui a produit ce titre ». C’est un super compliment. Je ne réalise même pas à 100% tout cela…

Vous voulez dire que cela vous dépasse ?
MARTIN SOLVEIG : Je suis un peu dans le tourbillon. Il y a un fort décalage entre la simplicité avec laquelle j’ai travaillé avec elle et le tourbillon médiatique que ça engendre. Les réactions, les commentaires. J’ai été surpris. Quand tu fais de la musique avec Madonna, tu t’attends à ce que l’on en parle mais tu ne t’attends pas à ce que lorsque tu fais un tweet, il est retweeté 250 fois. Et que des gens vont ensuite disséquer chaque détail. C’est un truc de fou. Donc, c’est vrai que je fais un tout petit peu gaffe à ce que je dis sur Twitter et en interview… Tout ce que je peux dire pourra être retenu contre moi (rires). J’apprends tout cela, à vivre dans le monde des grands artistes pop. C’est une expérience extraordinaire pour moi…

Il y a un son un peu « vintage » dans ce premier single, c’est ce qu’elle voulait ?
MARTIN SOLVEIG : Je dirais que ce morceau est sixties et totalement contemporain en même temps… Il y a dans cet album une signature particulière, un côté dansant sans être forcément dance-music. Si on écoute les morceaux de William et les miens, il y a une sorte d’inspiration qui vient de toute la pop.

Vous avez livré tous les morceaux ?
MARTIN SOLVEIG : Oui l’album est terminé et même masterisé. Les quinze titres ont tous une histoire et quelque chose à dire. Ça va être un très bon album de Madonna. J’ai conscience que tout cela dépasse la musique, que l’icône dépasse très largement la musique et ses chansons. Je suis simplement fier du boulot réalisé. Et aussi conscient de l’honneur et de la chance qu’on m’a donné de participer à un truc comme ça, c’est une aventure hors du commun. J’espère vraiment que tout va bien marcher…

Dans le premier single on entend à la fois M.I.A et Nicki Minaj. Je crois que c’est vous qui avez eu l’idée d’embaucher M.I.A et Madonna voulait Nicki Minal…
MARTIN SOLVEIG : Oui… Guy Oseary (le manager de Madonna, NDLR) et moi-même on était très chauds à l’idée de collaborer avec M.I.A. Nicki Minaj, c’était elle par contre. Je crois qu’elle se reconnait beaucoup dans Nicki. L’idée d’une équipe collait bien avec le Super Bowl. Le choix du titre n’est pas non plus totalement un hasard. Le côté pompom girl lançait bien ce projet dans ce contexte incroyable du Super Bowl. Mais l’album a encore beaucoup de choses à révéler.

Il y aura un avant et un après pour vous ?
MARTIN SOLVEIG : Oui bien sûr. Je pense aussi qu’il faut que je me dise que j’ai juste fait mon boulot de producteur. J’y ai mis toute mon énergie, tout ce que j’avais de disponible. Cette musique, elle est faite pour elle. Elle lui appartient. Je dois continuer mon chemin… Et humblement, espérer avoir mis une toute petite pierre à cet édifice extraordinaire. Madonna n’a besoin de personne pour être ce qu’elle est.

Est-ce vrai que vous avez reçu un coup de fil du FBI quand le single a fuité sur Internet ?
MARTIN SOLVEIG : Oui… C’est une grosse affaire. C’est arrivé très tôt. Très vite on a compris que c’était assez malveillant et pas une connerie de quelqu’un en studio par exemple. C’était une version propre qui venait probablement d’un des ordinateurs de Madonna. C’était probablement un hacker, ça nous a fait un peu paniquer. Ca a fait beaucoup de mal au titre, l’effet de surprise a été moins fort… On s’inquiétait surtout de savoir quels étaient les autres titres à disposition des hackers. Je pense sincèrement qu’en réalité les gens malveillants qui sont derrière ce truc ont probablement tout… Mais la réponse a dû leur faire un peu peur et ils se sont abstenus de tout dévoiler.

Et cela aurait pu avoir des conséquences sur la sortie de « MDNA » ?
MARTIN SOLVEIG : Si ça avait été le cas, elle aurait pu remettre en cause l’intégralité du projet, c’est-à-dire le fait de sortir l’album, de refaire une tournée. J’en suis assez convaincu. Elle a vraiment envie de revenir pour ses fans, pour refaire de la scène. Quand on travaille très dur comme ça, ça n’est pas pour que tout se retrouve sur Internet dans des versions qui ne sont pas bonnes, qui sont approximatives. Je pense que ça l’a beaucoup déçu et un peu affecté…

Mirwais avait réalisé « Music » pour Madonna, c’est le collectif « Megaforce » qui a réalisé le clip de « Give Me All Your Luvin ». Comment vous expliquez que Madonna aime tant les Français ?
MARTIN SOLVEIG : Je pense qu’elle est tombée dedans très tôt. Ça remonte à sa grande époque new-yorkaise quand elle était copine de Basquiat (Jean-Michel Basquiat, peintre d’avant-garde très populaire et pionnier de la mouvance « underground », NDLR). Il n’y avait quasiment que des Européens autour d’eux. Je pense qu’elle a chopé ce côté européen à ce moment-là. Elle passe une partie de l’année à Londres, elle aime beaucoup la France, elle y a des attaches. Ses enfants parlent français et vont dans des écoles françaises. Elle connait aussi bien l’Europe que les États-Unis. Je crois qu’elle est sensible à la vision française.

Est-ce que vous allez jouer ces nouveaux-titres dans vos concerts ?
MARTIN SOLVEIG : Évidemment ! Comme elle le répétait avec beaucoup de gentillesse « ce sont nos chansons, c’est aussi tes titres ». C’était hyper impressionnant quand elle disait cela.

D’ailleurs, Madonna est très généreuse dans les deals, non ?
MARTIN SOLVEIG : Oui ! Elle est très généreuse sur les droits d’auteurs et de composition. Elle est très réglo. Je l’aurais fait gratuitement de toute façon (rires). Et si c’est à refaire, je replonge tout de suite…

Si Madonna vous propose de venir mixer le 14 juillet au Stade de France, vous direz oui ?
MARTIN SOLVEIG : Je ne peux pas encore confirmer… Mais il y a de très grandes chances que je ne sois pas très loin de la pelouse du Stade de France le 14 juillet… (rires)

Lisez les précédentes interviews de Martin Solveig pour Le Parisien et Europe 1

Merci à Jonathan, ChartsInFrance.net et PureCharts.fr !